RETOUR DE BATON ( par Pape S, Thiam)

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Le retour de bâton

Le type d’opposition que Sonko à imposé à Macky Sall est la pire chose à laquelle il pouvait s’attendre. En croyant faire le ménage autour de lui, il n’a réussi qu’à déblayer le terrain pour son futur « bourreau ». Le désir inconscient de Macky, c’était de s’accommoder à une opposition de salon puérile, inexpérimentée et docile, mais c’était sans compter avec le principe du rattrapage qui régit parfois la réalité humaine.

Quand les hommes n’ont pas ce qu’ils veulent, ils se compensent par ce qu’ils peuvent avoir : la réalité est substituée au rêve en attendant de nouvelles forces. Ce procédé psychologique qu’on appelle « compensation » et projection est une des clés de compréhension de l’aura de Sonko en l’espace de sept petites années de présence sur la scène politique sénégalaise.

Sonko n’est pas le meilleur et les sénégalais qui le soutiennent en majorité ne sont pas de Pastef. Il a été le réceptacle de toutes les frustrations politiques causées par Macky. Il cristallise l’espoir et les ressentiments de milliers de sénégalais qui voient en lui un moyen voire un moyen d’en finir avec le cynisme politique du régime.

Le contexte favorable qu’il a trouvé sur place est effectivement un paramètre essentiel dans son ascension politique fulgurante. Karim Wade et Khalifa ont été exclus du jeu politique sous le motif qu’ils ont mal géré les deniers publics. Même si cette façon de faire de Macky est absolument indigne, les Sénégalais n’avaient pas quelque argument à lui opposer. Les rancœurs, les récriminations et les révoltes noyées dans la déception ont vu dans la personne du leader de Pastef un nouveau réceptacle.

Les évènements de mars dernier sont la preuve que l’opposition que Karim et Khalifa auraient pu lui faire est moindre que celle qu’il s’est maladroitement « choisie » par ses innombrables intrigues. Jusqu’en 2014 Macky était convaincu qu’il a créé le désert politique face à lui ; et même quand le phénomène Sonko s’est annoncé, il le sous-estimait. Il ne pouvait pas s’imaginer que le jeune politicien pouvait bénéficier en un laps de temps d’un si grand transfert affectif. Sonko a été le purgatoire de tous les karimistes et khalifistes déçus et révoltés par la façon cynique dont leur leader a été sorti du jeu politique. Finalement Sonko fait l’affaire de tout le monde, y compris de Macky, jusqu’à ce que ce dernier comprenne que la machine qu’il avait créée échappe désormais à son contrôle.

L’état de grâce dont jouissait Macky Sall a toujours été prolongé par cette absence de contre-pouvoir suffisamment fort et crédible. C’est dire donc que le personnage de Sonko condense en lui une multitude d’attentes et de rêves tellement la crainte de voir un pouvoir tutélaire s’élever au-dessus des Sénégalais était grande.

La démocratie est un système politique où il ne saurait y avoir d’unanimité, de vision unilatérale. Quelque majorité qu’on puisse avoir, le peuple veut toujours qu’on lui assure une sécurité politique. La sécurité politique en démocratie, c’est l’existence de contre-pouvoirs, d’une opposition non seulement pour prévenir les abus de pouvoir, mais pour montrer au pouvoir qu’une alternative est toujours possible et qu’il n’a pas tous les leviers. En se proposant au peuple sénégalais comme l’incarnation de la nouvelle opposition au pouvoir de Macky Sall, Ousmane Sonko n’a pas seulement fait son devoir de citoyen, il a également répondu à une demande sociale.

Le fait de miser sur les jeunes et de produire un discours qui prend directement en charge leurs préoccupations (sans même peut-être disposer de solution) est un acte fédérateur et galvanisant. La jeunesse, c’est l’envie et l’énergie, il faut donc proposer un discours susceptible de mettre en valeur cette énergie et c’est ce que ne cesse de faire Sonko par le choix des thèmes qu’il aborde. Le panafricanisme, le patriotisme, l’indépendance, la question de la monnaie CFA. La prédation des ressources, l’école : quel jeune peut rester indifférent à ces thématiques ? En choisissant cette forme de communication agressive et audacieuse (on a parfois l’impression qu’il est expert en beaucoup de domaine), Sonko s’attend à des dividendes politiques que rien ne pourrait lui octroyer. Les jeunes ont besoin de virilité et d’enthousiasme et c’est exactement ce qu’il leur offre.

Auteur : Pape Sadio Thiam

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