Appel respectueux d’un brassard blanc au président Macky Sall (Amadou Lamine Sall)

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Le projet du port de Ndayane exproprie, par votre décret n* 2021-19 du 11 janvier 2021, pour 1200 ha , des populations émérites, rase au bulldozer des infrastructures culturelles de renom comme le célèbre théâtre de verdure international de l’écrivain, poète et sculpteur Gérard Chenet aujourd’hui âgé de 94 ans.

Également impactée et rasée la résidence d’écriture du poète Amadou Lamine Sall, l’œuvre de toute une vie acquise depuis 1989. C’est le néant qui s’annonce. 

Rasés l’école et les ateliers de Patricia Gomis la tenace et brave Sénégalaise, structures créés avec tant d’années d’efforts et de soutiens internationaux. 

Impactée, emmurée, empoisonnée, étouffée, la légendaire École des Sables de notre fierté nationale, la diva Germaine Acogny, tout récemment distinguée par la Biennale de Venise et faisant rayonner tout le Sénégal des arts du Président Macky Sall. 

C’est un appel de partage d’humanité et de sauvegarde culturelle et artistique que je vous adresse ici en mon nom, Monsieur le président de la République. Quelque chose peut et doit être fait. Vous portez un immense espoir. 

1200 ha pour un port, c’est habiter à la fois la terre et mars. C’est colossal. Unique dans le monde. Mais on ne lutte pas contre l’État. Il faut le dire tout de suite et sans hésiter. C’est ce que l’on m’a appris depuis Senghor.  Pour dire qu’il est malaisé de s’opposer à un projet politique et économique de cette dimension. Mais, il faut savoir raison garder sur la superficie à exproprier. Et nous le disons avec tout le respect qui sied.

Ce n’est pas un hasard si avec une volonté farouche, vous aviez intimé l’ordre à votre administration de ne pas dépasser les 450 ha de terre à exproprier. 

Votre posture était admirable, humaine, juste.

Que s’est-il passé, après ? 

Nous ne voulons pas sembler être des fossoyeurs d’un projet présidentiel majeur. Ce ne sera pas mon rôle. Jamais avec vous. C’est mon choix. 

Nous devons respect à ce projet si avancé, mais nous ne voulons pas aussi mourir sans dire à notre Président de sauver ce qui peut être sauvé. 

Bien sûr que nous aurions été fous de bonheur de voir ce port installé sur le littoral vers Saint-Louis où dans le Saloum. Bref, là où tout manque.

Comment Ndayane jusqu’à empiéter sur Toubab-Dialaw, à t-il pu être choisi, sinon, d’après les observations d’experts, qu’il faut prolonger le port de Dakar pas loin. Faciliter également les trajets dès 1200 camions/jour sur Dakar sans des budgets faramineux en carburant.

Tout aurait été bien calculé. Ce qui se sait et ce qui ne se sait pas. Il n y a pas de hasard. 

Le port de Bargny-Sendou déjà si problématique ne suffisait-il ? Fallait-il encore, sur le même littoral, à deux jets de pierres, implanter un autre port à containers ? Ces questions ne sont pas inutiles. Elles sont posées avec respect. C’est une demande réfléchie, honnête, patriote. 

Nous ne faisons pas partie des « populations » qui ont été invitées par le patron du port de Dakar qui, dans un récent communiqué, dit avoir rencontré « les populations ». Quelles populations ? Celles de son choix ? Libre à lui ! Oui, nous cherchons la paix et le consensus et non l’affrontement. Pas moi, dans tous les cas. Mais il doit être légitime de défendre son bien. C’est le travail de toute une vie. Toutes les populations ont droit au respect et surtout au respect de la juste information. C’est une question d’éthique. 

Perdre nos biens et réalisations par expropriation est douloureux, alors qu’il peut être possible de sauver ce qui peut encore être sauvé. Nous devons faire partie du dialogue. Nous devons être écoutés et non « barbelés » par tous ceux qui ont mission d’accompagner la réalisation imminente de ce projet de port et qui ne veulent avoir en face d’eux aucun son discordant. 

Tout, tout ne vous a pas été dit, Monsieur le président de la République ! 

Il me coûte beaucoup, beaucoup, de m’adresser enfin directement ici à notre Président à tous, pour lui demander d’étudier de très près notre sollicitation sur l’effarante superficie de 1200 ha à exproprier. C’est de la terre à la lune ! D’ailleurs si le décompte des experts est juste, nous sommes précisément à 2400 ha. Nous possédons tous les plans.

Nous vous le demandons avec respect, une immense considération, une sincère et profonde affection de ma part. Vous le savez. Revenez sur ce projet tel qu’il se présente cruellement de nos jours.

Si une chose, une seule, mettait en cause vos projets de développement, je me serais immédiatement retiré, personnellement, de toute entrave à vos nobles missions. Il m’est impossible d’assumer une telle bravade face à un homme pour qui je nourris une sincère et profonde affection. Je refuse de croire, « à me rouler par terre » comme disait mon grand’père, que vous êtes raide et aussi insensible que du bois mort !

Je m’assume ici et maintenant, face à l’histoire. Et je sais ce que cela veut dire. Les mots sont ma maison. Bien sûr, je remercie Dieu et ma maman, de n’être pas tombé en politique. Je suis un homme libre. Mon parti, c’est le Sénégal qui gagne.

Le président de la République est le défenseur des arts et lettres. Et il les défend bien. 

Alors, où aller ailleurs que chez vous, auprès de vous, pour ne plus faire face à ceux qui nous fuient, parce que notre action les dérange et qu’ils veulent toujours et toujours plaire au prince en s’installant dans le mensonge et l’irresponsabilité ?

Le maire de Ndayane nous a reçus cordialement. Le pauvre, il est entre la vérité et sa charge politique. Il n’a pas tort. Tout lui échappe. Il doit être compris. Il est dans son rôle comme tous ceux qui refusent de nous recevoir de peur d’être épilogués, parce que nous défendons nos biens et parce que nous demandons de faire attention aux conséquences environnementales d’un tel titanesque projet dont les risques écologiques sont effrayants. 

Il faut être prudents. Jusqu’ici les études d’impact environnemental sont introuvables. Ce n’est pas normal. C’est un droit des populations de connaître ces résultats. C’est un devoir pour l’État et DPWORLD de les mener, de les exposer au public.

Les populations ont le droit de tout savoir. Leur santé est en jeu. C’est un respect qu’on leur doit. Rien d’autre. Ce n’est pas une faveur.

En un mot et c’est un cri du cœur au nom de TOUS : SAUVEZ-NOUS, MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE EN RENDANT NOTRE MORT MOINS DOULOUREUSE, MOINS TRAGIQUE. Faites ce qui peut être possible pour que l’histoire demain soit un juge équitable. Excusez de ces adjectifs brûlants.

Nous avons le droit d’avoir confiance en notre Président. 

Cet appel enfin personnalisé d’un citoyen, d’un compatriote, d’un poète qui vous aime et qui vous voue une affection qui durera bien loin dans le temps, a été longtemps mûri. Il n’a pas été facile de vous adresser cet appel, en la signant.

Ma famille dont ma vénérée maman chérie m’a toujours prié de ne jamais entendre de ma bouche ou voir de ma plume, un mot, un seul, qui pourrait vous rendre triste. Et je ferais toujours ce que ma maman m’invite à faire. Je n’ai jamais eu à regretter ses conseils. Et je commence à cheminer longtemps avec Dieu et elle, aux bords des 100 ans, pour savoir qu’elle est invincible.

« Qui vous aime et vous respecte, si vous ne le lui rendez pas au centuple, il ne vous reste qu’à en mourir de honte », m’a t-elle confié vis à vis du Président Macky Sall. Vous-même !

Vous connaissez ce mot d’un des personnages du grand écrivain anglais, Somerset Maugham: « Le chien mordit son maitre. Et c’est le chien qui en mourut ». Bien sûr, entre vous et moi, il n y a ni chien ni maître. Vous ne l’auriez pas accepté. Moi, non plus. Dignité et sang obligent, même si on dit, par ailleurs, que « la noblesse du cœur est supérieure à la noblesse du sang » !

Pour dire ce que ce texte ici adressé à vous m’a coûté en peine et tristesse.

Je ne voudrais que pouvoir vous applaudir pour le solide et énorme travail jusqu’ici accompli. « Il n’existe que Dieu pour tout réussir », confiait toujours Senghor. Soyez fier de ce que vous laisserez. 

Le temps passe. Il va passer. Il passe déjà très vite. 

Je souhaite ne pas faire partie de ceux qui auront creusé des fossés sur votre chemin, la nuit. 

Avant vous, nous devons un respect au peuple qui vous a élu. Il faut respecter celui que le peuple a élu. Quoique cela puisse coûter !  Si demain, nous ne tenons pas cette même ligne avec celles ou ceux qui viendront après vous au sommet de l’État, alors, nous aurons tout perdu. C’est ma posture. C’est ma devise. Mais… désormais, dit-on, même la vérité peut se tromper. Mais là, c’est encore une autre histoire !

Ma vieille et si jolie maman, me dit ceci: “Je prie d’abord pour que Dieu soit épargné. IL a besoin de prières plus que nous. Le monde est devenu terrifiant”. Tout est dit !

Sauvez-nous Monsieur le président de la République ! Le port de Ndayane ne doit pas ressembler à une tragédie. Vous seul, par votre charge suprême, pouvez ramener la paix des cœurs et laisser les créateurs vivre, laissez les populations s’épanouir dans l’héritage de leurs pères. Leur prendre et la mer et la terre, toute la terre, est un insupportable exil dans leur propre pays.

Dieu vous garde et qu’IL vous garde longtemps, Monsieur le président de la République !

Nous sommes à votre écoute. Vous ne nous décevrez pas. Vous n’êtes pas de ce rang.

Très haut respect, très profonde et sincère affection. 

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