Le Sénégal, à l’instar d’autres de la sous-région traverse une période difficile marquée par une crise sanitaire de grande ampleur et des risques avérés de récession économique majeure, dont les masses laborieuses risquent de faire les frais. Au vu des événements qui rythment la vie de la Nation, avec la perpétuation des atteintes aux libertés, de violation des droits de l’homme et de non-respect des normes de bonne gouvernance, on se demande si notre élite nationale a pris la pleine mesure de ces défis imminents.
En effet, face à ce tableau apocalyptique, des réformes profondes de la gouvernance politique, du mode de redistribution des richesses et de la vie démocratique devraient être à l’ordre du jour.
Nous prendrons comme exemple, les soubresauts qui agitent le secteur de la Justice, illustrés par la persécution, dont le président de l’Union des Magistrats du Sénégal (U.M.S) fait l’objet. Ils confirment ce que tous les citoyens sénégalais savaient déjà, à savoir l’absence d’indépendance du système judiciaire vis-à-vis de l’Exécutif, rendue plus ostensible par la « révolte des jeunes magistrats » symbolisée par démission fracassante du juge Hamidou Dème, mais aussi par l’élection enthousiaste et consensuelle de Souleymane Téliko à la tête de l’UMS.
Tout le monde se rappelle des péripéties de la réforme de la Justice, avec les réticences de la tutelle à prendre en compte les observations de l’UMS sur l’âge de la retraite à 65 ans pour tous et la nomination du Président de la Cour suprême pour une durée de cinq ans. Les mesures partiales finalement retenues visaient à renforcer la mainmise de l’Exécutif sur la Magistrature, en octroyant à ses éléments les plus âgés et occupant des postes stratégiques, un allongement de l’âge de départ à la retraite, au-delà des élections de février 2019.
Résultats des courses : il ne fait l’objet d’aucun doute que le président Macky Sall doit sa réélection controversée non seulement à un processus électoral tronqué, mais aussi et surtout à la complicité de certains magistrats. En effet, ceux-ci ont, sous couvert de la loi, écarté plusieurs dizaines de candidats de l’Opposition, soit par le biais de procès qualifiés d’irréguliers par la cour de justice de la CEDEAO ou par la Commission des droits de l’Homme de l’ONU ou en se servant de procédures opaques d’évaluation d’un parrainage injuste et truqué.
Pour apaiser la tension sociopolitique née de cette victoire aussi illégitime qu’usurpée, le président Sall fit miroiter un dialogue politique plus axé sur les habituelles préoccupations électoralistes de la classe politique que sur la nécessité incontournable d’une refondation institutionnelle véritable et de la satisfaction de la demande sociale.
Il est significatif, à cet égard, que les perspectives de renouveau politique ouvertes par les Assises Nationales fassent l’objet d’une omerta quasi-généralisée, mises à part des célébrations aussi trompeuses qu’épisodiques et soient désormais rangées aux oubliettes.
Sinon comment expliquer cette aggravation de la mal-gouvernance déjà dénoncée dans les précédents régimes ?
Par ailleurs, on observe un dépérissement de la vie politique, vidée de sa substance, sans pratiques nouvelles ni concepts novateurs mais caractérisée par une désespérante continuité dans l’application docile des directives maléfiques des puissances impérialistes, surtout de la France.
La grande majorité des corps dits intermédiaires (partis politiques, syndicats, organisations de la société civile, … y compris certains regroupements religieux), ayant chacun, leur agenda propre, demeurent léthargiques et semblent cautionner ce statu quo lamentable. De fait, les luttes politiques demeurent désespérément électoralistes voire clientélistes et celles syndicales irrémédiablement corporatistes…
La plupart d’entre eux – à l’exception notable de certains activistes et maires, de FRAPP/France DÉGAGE, de Y’EN A MARRE, du C.R.D, de la LD-DEBOUT, de la coalition JOTNA…etc. – restent indifférents aux scandales fonciers, à l’expropriation des terres paysannes, au déguerpissement des prolétaires civils et militaires, aux mystifications gouvernementales dans les politiques publiques de la Justice, de l’Hydraulique, de l’Assainissement, de la Santé et de l’École…
Plutôt que d’exiger des comptes aux décideurs, certains préfèrent attendre l’élargissement du gouvernement, d’autres convoitent la station de chef de l’Opposition, tandis que les plus impatients se voient promus « envoyés spéciaux »…
Les rares récalcitrants sont emprisonnés à tout bout de champ, quand ils ne sont pas mis sous écoute ou enregistrés par des dauphins putatifs.
Autant dire que la galaxie apériste est en train de poser méthodiquement les jalons du troisième mandat, avec la complicité d’élites corrompues !
Mais le peuple ne le permettra pas !
NIOXOR TINE
leelamine@nioxor.com