DE LA NECESSAIRE RECONCILIATION ENTRE LES FORCES DE DEFENSE ET DE SECURITE ET LES POPULATIONS.( Par Boubacar Sandio)

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De toute l’histoire politique du Sénégal, jamais notre pays n’a connu ni vécu sous un régime aussi répressif et oppressif que celui du dictateur Macky Sall dont le magistère calamiteux a été caractérisé par une folie meurtrière qui a couté la vie à plus de quatre-vingt jeunes compatriotes qui constituaient autant de bras valides et utiles pour notre jeune nation que d’espoirs briés pour leurs familles éplorées, meurtries et à jamais enfeuillées. Le Président Macky Sall a fait subir aux Sénégalais, avec une certaine jouissance et une certaine délectation sadique, les plus horribles affres physiques, psychologiques et morales.
A l’issue des violentes manifestations de mars 2021, d’une ampleur inédite, le Président n’a pas su tirer les enseignements nécessaires. Dans un discours lénifiant et spécieux adressé à la jeunesse, il avait déclaré avoir compris. En réalité, ses intentions méphitiques étaient tout autres. Il était plein de rage et nourrissait un projet de vengeance; n’avait-il pas dit que rien ne sera plus comme avant?
En France, à la suite des évènements des « Gilets jaunes » les autorités en charge de l’ordre public, ont tiré les enseignements nécessaires pour aboutir à un nouveau schéma du maintien de l’ordre. C’est ainsi qu’il a été décidé de donner la priorité à la sécurité des manifestants, d’établir un dialogue en amont et en aval avec les organisateurs, de protéger les journalistes dans l’exercice de leurs missions d’information, d’interdire l’utilisation de certaines grenades, d’obliger les éléments engagés à porter de manière visible leur RIO, d’engager certains agents en civils, d’aménager la pratique de « la nasse » dont le Conseil d’État a dit qu’elle contraire à la Constitution dans certains de ses aspects.
Par contre, le tyran Macky Sall, bouillonnant de colère et dans un excès de rage qu’il a su dissimuler, n’a tiré comme seuls enseignements que la nécessité de renforcer les Forces de défense et de sécurité en effectifs et en équipements de répression. Des recrutements tous azimuts ont été effectués, des armes ont été acquises et des nervis intégrés dans le dispositif sécuritaire. On s’est retrouvé avec un bilan macabre de plus de quatre-vingt morts. Les Sénégalais plus que choqués, ébahis voire sidérés, ont vu des images révoltantes de nervis agissant sous l’encadrement de membres des forces de l’ordre.
Pendant cette période, les Forces de défense et de sécurité, notamment, la Gendarmerie nationale et la Police nationale en charge, à titre principal, du maintien de l’ordre si nécessaire portant à la paix civile, ont eu des comportements condamnables aux antipodes de certaines règles d’engagement. IL y a eu un usage abusif de la force et de la violence qui a fortement entamé leur crédibilité aux yeux de l’opinion.
Nous avons tous assisté à cette scène horrible et surréaliste ou l’on voit un policier descendre d’un véhicule, se mettre en position de tir, pour abattre froidement d’une balle à la tête, un jeune manifestant dont le seul tort était de brandir fièrement le drapeau national. On a tous été témoins de ces images scandaleuses montrant des membres des forces de l’ordre utilisant des enfants comme boucliers humains pour se préserver contre les jets de pierres des manifestants. Ces actes de violences et de brutalités gratuites de la part de nos forces de sécurité ont, non seulement, profondément émaillé cet épisode douloureux et inoubliable de notre histoire, mais aussi et surtout entamé leur crédibilité, créant une véritable une animosité, un hiatus et une césure entre elles et le peuple.
Par le passé, me refusant de verser dans une forme de solidarité corporatiste de mauvais aloi, j’ai eu à dénoncer ces actes, comportements et agissements contraires à la déontologie et en violation manifeste et flagrante des dispositifs légaux nationaux et internationaux dont, entre autres, le Code pénal, la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international des droits civils et politiques qui disposent dans leurs articles 5 et7 respectifs que « Nul ne doit subir des peines ou des traitements inhumains, dégradants et humiliants ».
Dans sa volonté manifeste de massifier la répression et d’anéantir toute velléité et toute forme de contestations et de manifestations publiques, le Président Macky Sall a fait revisiter la loi sur le terrorisme en modifiant le Code pénal dont les nouvelles dispositions élargissent le spectre de la définition en y incluant les actes les plus banals de violences. C’est ce qui nous a valu de nous retrouver avec des milliers de Sénégalais, tous âges et sexes confondus, derrière les barreaux. A l’époque j’avais dit que la loi n’était pas d’application immédiate, et qu’elle ne servira que pour plus tard.
A moins d’être d’une grande naïveté, il est tout à fait illusoire de penser qu’il puisse y avoir une osmose relationnelle, des rapports sans aspérités, entre les Forces de sécurité, par essence répressives, et les populations aux comportements permissifs. En effet, les relations entre ces deux entités de la société sont le plus souvent frictionnelles voire conflictuelles, dans la mesure où c’est la confrontation de deux exigences à la fois légitimes et paradoxalement antagoniques. Concernant les populations, elles exigent des pouvoirs publics le respect des droits constitutionnels qu’elles voudraient exercer pleinement; notamment, le droit à la libre circulation, la liberté d’expression et d’opinion qui se traduisent par le droit de manifester. Quant aux forces de sécurité, elles doivent constamment satisfaire une exigence constitutionnelle, celle de maintenir et de garantir l’ordre public en faisant usage, au besoin, de la force voire de la violence légitime.
Comme il est fort aisé de le constater, nous sommes en Présence de deux exigences constitutionnelles d’égale valeur qui leur confère une légitimité irréfragable. Toutefois, chacune de ces deux exigences s’exercent dans la limite de deux autres exigences qui les encadrent. Si les populations bénéficient du droit de manifestation, celui-ci ne peut s’exercer que dans le cadre du respect strict des institutions, de leurs représentants et la préservation des biens publics et des propriétés privées. Quant aux forces de l’ordre, elles sont assujetties au respect de certaines règles, notamment, l’accomplissement de leurs missions en totale conformité avec les lois et le respect de la dignité humaine. Aussi, n’ont-elles pas le droit, sous peine de sanctions pénale ou administrative, d’exercer des brutalités ou des violences sur les citoyens. Les Droits universels de l’Homme ainsi que le Pacte international sur les droits civils et politiques, respectivement, dans leurs articles 5 et 7 disposent que « Nul ne doit subir des peines ou des traitements inhumains, dégradants ou humiliants ». L’équilibre, trouver le juste milieu entre ces deux exigences n’est pas aisé. Ne dit-on pas que le maintien de l’ordre consiste à trouver l’équilibre entre l’ordre nécessaire et le désordre acceptable?

Aussi, appartient-il aux nouvelles autorités de faire de la réconciliation entre les Forces de défense et de sécurité et les populations une priorité pour que s’installe la paix des cœurs et des esprits qui permettra à notre pays de retrouver la paix civile, l’harmonie et la cohésion sociales ainsi que la tranquillité publique, toutes choses nécessaires pour le renforcement de l’unité nationale. Il est clairement évident que cette réconciliation, tant souhaitée, ne peut se décréter d’un coup de baguette magique. Elle devra nécessairement passer par un processus indiquant des axes de réflexions et comportant des schémas d’actions, de nouveaux éléments paradigmatiques de gestion sécuritaire, en somme une nouvelle vision.
Pour le cas spécifique des forces de défense et de sécurité, il s’agira, dans les court et moyen termes, de revisiter, si nécessaire, leurs doctrines d’emploi, d’adapter leurs protocoles d’intervention et d’améliorer leurs interactions sociales avec les populations qu’elles sont censées servir. Concernant la Gendarmerie nationale et la Police nationale, en charge à titre principal, de la sécurité intérieure, notamment, dans son volet sécurité publique relative à la protection des personnes et des biens, elles doivent privilégier la prévention et la proximité. La prévention, définie comme l’acte d’anticipation permettant d’éviter la commission d’une infraction ou d’en atténuer les effets, réduira l’usage de la répression, source de tensions entre les forces de sécurité et les populations.
Quant à la proximité, elle rétablira de manière significative le lien et le liant entre les forces régaliennes de sécurité et les populations qui, pourront, ainsi, à travers des dispositifs territoriaux établir des échanges. Dans le cadre de cette logique, les forces de sécurité, la Gendarmerie et la Police, ont davantage développé la proximité géographique, d’essence spatiale au détriment de la proximité institutionnelle, d’essence non spatiale. En effet, elles se sont investies dans la construction de brigades de gendarmerie et de commissariats ou postes de police dans les communes et quartiers pour un meilleur maillage sécuritaire. En soi, c’est une bonne chose.
La proximité institutionnelle devrait en complément de cet logique géographique; elle repose sur trois concepts que sont la capacité des interactions, la logique d’appartenance et le partage du même système de représentation. Les contraintes de pagination ne permettent pas de faire le développement nécessaire. Les dispositifs territoriaux prévus dans le cadre de la gouvernance sécuritaire de proximité confiée à l’Agence de sécurité de proximité auraient dû faciliter les choses. C’est l’occasion, pour solliciter des nouvelles autorités qu’elles donnent davantage de moyens à l’Agence pour qu’elle s’acquitte efficacement de ses missions au grand bénéfice des populations qui en attendent beaucoup.
Comme il appert, notre pays, sous la houlette ou plus exactement sous la férule du dictateur Macky Sall, a vécu des moments sombres de son histoire avec le déroulement programmé d’une folie meurtrière initiée par celui qui est considéré comme le pire Président de la République que le Sénégal n’ait jamais connu. Cette vague de répression violente a été le fait de nos forces de l’ordre qui avaient perdu de vue que l’objectif du maintien de l’ordre est de préserver l’ordre établi par l’utilisation de moyens de coercition modérés pour ne pas avoir à faire usage de la violence qu’exige le rétablissement de l’ordre. Tout comme elles semblent ignorer les trois principes qui doivent guider leurs actions, à savoir, prévenir pour ne pas être obligé de réprimer, trouver l’équilibre entre l’ordre nécessaire et le désordre acceptable, considérer le manifestant comme un adversaire d’un moment et non comme un ennemi de toujours. Ces manifestants dont certains se sont livrés à des actes répréhensibles à la lisière de la délinquance, en s’attaquant è des cibles non concernées, ce qui, du reste, a pu entacher la légitimité de leurs revendications.
Il s’agit, aujourd’hui, par la mise en œuvre d’une véritable stratégie sécuritaire, de rapprocher les populations des forces de défense et de sécurité dans le cadre d’interactions et d’un partenariat productif. La réconciliation entre les forces de défense et de sécurité et les populations ma parait primordiale et d’une nécessité absolue pour établir un climat de confiance réciproque.
Dakar 09 Décembre 2024.

Boubacar SADIO

Commissaire divisionnaire de police

De classe exceptionnelle à la retraite

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