Les dérapages verbaux et les écarts de langage sont devenus certes monnaie courante dans le débat politique. Mais jamais on n’a eu à entendre des propos aussi graves que ceux du député de la majorité et président du Conseil départemental de Ranérou, Aliou Dembori Sow. Grand défenseur d’un 3ième mandat pour le Président Macky Sall, il a osé appeler les membres de l’ethnie peulh à laquelle il appartient, à user de leurs machettes, au besoin, pour couper la tête à toute personne qui serait tentée de s’y opposer.
Dans toute l’histoire politique du Sénégal, c’est la première fois que des propos d’une telle gravité sortent de la bouche d’un responsable. C’est à la fois une apologie du crime, une incitation à la haine ethnique et un appel à la violence. Pour bien moins que ça, des compatriotes ont déjà été traînés en justice pour répondre de leurs dérives verbales ou de supposés troubles à l’ordre public.
L’absence de réaction du Procureur de la République qui aurait dû automatiquement s’autosaisir est, de ce point de vue, assez troublante. Or, si jamais une telle sortie reste impunie alors même que le député fautif dit ne rien regretter de ses propos et les assume totalement, ce serait la porte ouverte à tous les excès avec tout ce que cela peut comporter comme menace sur la cohésion nationale.
Toutefois, ce qu’il y a encore de bien plus grave, c’est le silence apparemment consentant de ses collègues de la majorité et surtout celui du chef de l’Etat et Président de l’Apr. Garant de l’unité nationale, le Président Macky Sall a en effet l’obligation de condamner fermement la sortie du député Aliou Dembori Sow et, surtout, de créer les conditions d’une saisine de la justice dans cette affaire. Personne ne comprendrait qu’il continue de garder le silence comme s’il n’avait rien entendu ou que les propos du député Apr n’ont rien de grave à son goût. Certes, l’Apr s’est fendu ce mardi d’un communiqué laconique, regrettant la sortie malheureuse d’Aliou Dembori Sow. Naturellement, cela ne suffit pas pour dédouaner son responsable à Ranérou d’une si lourde faute.
On se rappelle en tout cas qu’il n’avait pas daigné réagir aux propos tout aussi graves de Maître Moussa Diop au lendemain de la présidentielle 2019.
Déplorant les mauvais résultats de Macky Sall à Touba, l’ancien Directeur général de Dakar Dem Dikk s’était permis de lui suggérer publiquement de décaper purement et simplement l’autoroute « Ila Touba » pour en faire un « Ila Fouta » pour récompenser les populations de cette partie du pays des gros scores qu’elles lui ont permis de réaliser.
Cette déclaration de Maître Moussa Diop avait beau être dangereuse, elle ne lui avait valu même pas une simple remontrance de la part du chef de l’Etat.
En revanche, il aura suffi qu’il se prononce contre un 3ième mandat de Macky Sall pour être aussitôt démis de ses fonctions. Comme quoi, le fait de le disqualifier pour un éventuel 3ième mandat est bien plus grave aux yeux de Macky Sall que de stigmatiser toute la population de Touba simplement parce qu’il n’y avait pas réalisé de bons scores.
Auparavant, une autre militante de l’Apr, Penda Bâ, avait elle aussi abreuvé d’injures toute la communauté wolof au prétexte qu’elle serait majoritairement contre le Président Macky Sall. Et ce fut là-aussi sans grandes conséquences pour la militante apériste vis-à-vis de laquelle, la justice s’était montrée étonnamment bienveillante.
La passivité affichée par le Président Macky Sall par rapport à de telles sorties, est en tout cas de nature à donner raison au Président Abdoulaye Wade. Lequel disait à la veille du second tour de la présidentielle 2012 que Macky Sall, une fois élu, aurait la propension de favoriser son ethnie. Une alerte dont les électeurs n’avaient aucunement tenu compte, en accordant massivement leurs suffrages au candidat de Benno Bokk Yaakaar. Il est dès lors inconcevable que le Président Macky Sall donne raison à son prédécesseur en ne mettant pas le holà à ces sorties répétées de membres de sa propre ethnie et qui sont, hélas, de nature à menacer dangereusement l’unité nationale.
De même, l’Assemblée Nationale à laquelle appartient le député Aliou Dembori Sow, doit absolument se désolidariser de lui et condamner avec la dernière vigueur sa sortie irresponsable et très dangereuse.
Il doit en être aussi de même pour nos guides religieux, qu’ils soient musulmans ou chrétiens. Ils ne doivent nullement laisser passer cette occasion de sonner enfin le tocsin et de sommer tous les acteurs politiques à ne pas mettre en péril
la paix civile et la concorde nationale. En vérité, le problème, c’est moins ceux qui disent ou font du mal comme Aliou Dembori Sow que ceux qui les regardent faire sans rien dire. En tout cas, il est temps que cela cesse. Et aucune voix autorisée ne devrait se taire face aux agissements d’apprentis pyromanes comme le député Aliou Dembori Sow.