Entretien – Bougazelli revient sur l’affaire des faux billets et accuse les journalistes

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Sous les feux des projecteurs depuis l’éclatement de l’affaire de trafic présumé de billets de banque, dans laquelle il est cité, Seydina Fall a pris le parti de solder ses comptes, à son retour, hier de la Section de recherches de Colobane. Entouré de ses proches et de militants, Bougazelli a livré sa version des faits. Il s’est confié à L’Observateur, dans un entretien entrecoupé de sanglots… Bougazelli dit tout.

Comment vous vous êtes retrouvé mêlé à une affaire de présumé trafic de faux billets de banque ?

(Il craque et pleure à chaudes larmes.) C’est par l’intermédiaire d’un ami courtier du nom de Amath Ba que j’ai connu Pape Malick Sy, plus connu sous le nom de Kals. C’est un commerçant qui importe des tissus en basin du Mali et m’en a vendu beaucoup, dont celui que je porte présentement. Des relations se sont tissées au fil du temps. A un moment donné, ma femme souffrait d’une insuffisance rénale. Mon collègue Abdou Mbow me met en rapport avec le Général qui officiait à l’hôpital Principal de Dakar qui s’est occupé d’elle, avant de me recommander à un médecin en Chine, pour une intervention chirurgicale. J’ai dû hypothéquer ma maison pour obtenir un  prêt de plus de 50 millions de FCfa à la Banque islamique. Pour honorer mes engagements, l’idée de vendre un de mes terrains m’a traversé l’esprit. J’ai fini par proposer à Kals cette parcelle, au prix de 5 millions de FCfa. Il m’a remis un acompte d’un million, promettant de verser le reliquat le lendemain. Il n’a pas tenu parole. J’ai patienté pendant deux mois, puis six autres mois, sans jamais entrer dans mes fonds. C’est alors que j’ai porté plainte au commissariat de police de Golf Sud (Guédiawaye). Kals n’a jamais déféré aux convocations de la police. Un jour, ils ont effectué une descente chez un certain Amath Ba, où il se serait terré ce jour-là, sans le retrouver. J’ai ensuite porté plainte à la brigade de gendarmerie de la Foire. Une fois de plus, les convocations qui lui ont été servies n’ont rien donné.

Le lundi 10 novembre dernier, une proche à moi, m’informe que Pape Malick Sy a récemment amassé beaucoup d’argent, au point de s’acheter un véhicule neuf. Lorsque je l’ai contacté, il m’a donné rendez-vous à la station d’essence de liberté 6. Ce jour, j’étais en compagnie de mon ami Djiby Ndiaye. Y étant, j’ai sommé à Kals de me remettre mon argent. Il a promis de me remettre le reliquat d’un million de FCfa, à la fin du mois. Outré, je l’ai empoigné et l’ai violenté avant que le vigile de la station ne s’interpose pour nous séparer. C’est alors que m’est venue l’idée de m’emparer et de confisquer le sac qui était dans son véhicule. Quelques jours plus tard, Kals m’appelle au téléphone pour me dire qu’avant son départ pour le Mali, il allait me mettre avec quelqu’un pour me remettre la somme de trois millions de FCfa contre la restitution de son sac que j’avais confisqué, mais que je n’avais jamais  ouvert. Un instant après, un nommé Samb m’appelle pour m’informer qu’il détenait par devers-lui, les trois millions mais également que quelqu’un d’autre avait besoin du sac en urgence. Je me suis alors rendu à l’Assemblée nationale. J’ai rencontré le ministre Abdoulaye Diallo qui, sensibilisé par Seydou Diouf sur les difficultés auxquelles je suis confronté me remet la somme de deux millions de FCfa en guise de soutien. Samb me rappela avec insistance. Je lui ai demandé de me retrouver à l’Assemblée nationale et il me propose de le rencontrer au rond-point de Ngor, précisément à la Brioche dorée. Sur place, il me fait savoir que c’est plutôt quelqu’un qui est établi en France qui a besoin du sac. En échange de la somme, je lui tends le sac. Aussitôt après, des gendarmes sont intervenus et m’ont fait savoir que le sac contenait des billets noirs. Ils m’ont demandé de le suivre à la section de recherches. Je me suis exécuté.

Qu’est-ce qui vous lie aux personnes arrêtées dont le rappeur  Guesthia et le Burkinabé ?

Je persiste et signe, hormis Samb qui a été arrêté, je ne connais aucune des cinq personnes arrêtées. Je ne les ai jamais rencontrées ni ailleurs ni chez moi.

Pourquoi ont-ils soutenu alors que vous êtes le cerveau du trafic de faux billets ?

Je suis sûr que ce ne sont pas les gendarmes de la Section de recherches qui ont dit cela. Des journalistes qui étaient pressés d’avoir des informations sur l’affaire se sont heurtés au refus du commandant et de ses hommes. Que celui qui a écrit ces bêtises se le tienne pour dit : je  vais le traduire en justice.

Si vous n’avez rien à vous reprocher, pourquoi avez-vous pris l’option d’entrer en cavale ?

Moi en cavale ? ( Il sourit). Il s’agissait plutôt d’un pèlerinage à Touba. Après ce qui s’est passé, je me suis imposé le devoir de me recueillir sur le mausolée de mon guide Serigne Saliou Mbacké. Je suis rentré cette même nuit à Dakar. La pression était telle que j’ai failli commettre un accident en cours de route. La partie avant droite de mon véhicule s’est endommagée. Même si j’avais tué une personne, je ne fuirais jamais. En cours de route, mon hyperglycémie a atteint le niveau de 3,80g. Je ne voyais plus. Constatant mon état de santé, mon médecin traitant de la clinique Cheikh Ahmed Tidiane Sy de Cambérène 2 m’a prescrit un repos pour ne pas mettre ma vie en danger. Je ne suis pas du genre à fuir. Je ne le ferai jamais.

Vous campez toujours sur votre position que vous n’êtes pas impliqué dans cette affaire ?

Si on me donne la possibilité de dire tout ce que je sais sur cette affaire, je pense qu’ils vont me laisser partir. Je me limiterai aux choses que je maitrise. J’ai été piégé pour me jeter dans un trou. Ceux qui l’ont fait, sont en train de regretter leur acte. Mais c’est peine perdue. Parce que je vais leur déclarer la guerre et j’irai jusqu’au bout. Je mets tout entre les mains de Dieu. J’ai commis un pool d’avocats. Il y a le bâtonnier Me Leyti Ndiaye, Me El Hadji Diouf, Me Assane Dioma Ndiaye, Me Ousmane Sèye, Me Moustapha Dieng, Me Thiaba Ba, Me Ndiaye, Me Tall, Me Bamba Cissé. Ils vont se consulter par rapport à l’enquête. Et c’est Me El Hadji Diouf qui va coordonner.

 Vous n’avez pas peur d’être déféré au Parquet ?

S’il m’arrive à être déféré au Parquet, je ne peux que m’en remettre à Dieu. C’est une volonté que je vais accepter. Je resterai dignement en prison, tout en rendant grâce à Dieu.

Comment s’est passé votre face-à-face avec les gendarmes ?

J’ai été agréablement surpris par le professionnalisme du commandant Mbengue. Au cours de notre entretien, il m’a fait savoir qu’il ne pouvait pas m’auditionner aujourd’hui (jeudi dernier). Une seule convocation m’a été servie et j’ai bien expliqué au commandant pourquoi je n’y ai pas répondu à temps. J’ai ri sous cape quand j’ai appris qu’on m’a prêté l’intention de sortir du territoire. J’aurais préféré mourir que de faire preuve de lâcheté pour fuir en laissant ma famille et mes enfants dont le plus âgé a 16 ans. J’en veux à certains soi-disant journalistes qui sont entrés dans le métier par effraction et qui sont des mercenaires avec une plume trempée dans du sang. Un animateur de radio devenu «journaliste» se permet au quotidien de s’acharner sur moi de manière lâche et gratuite à travers ses sorties. Qu’il sache que le moment venu, je répondrai à la guerre qu’il m’a déclarée.

Qu’est-ce qui a motivé votre démission de l’Assemblée nationale ?

Ce qui s’est passé a les allures d’une leçon de vie qui m’a appris que j’ai des ennemis qui ne sont pas en mesure de justifier leur inimitié envers ma personne. Pour ne pas gêner le Président Macky Sall, au point de leur rendre vulnérable face aux attaques de ses pourfendeurs qui ambitionnent de l’atteindre à travers ma personne, j’ai décidé de démissionner de mon poste de député à l’Assemblée. Je rendrai les passeports diplomatiques, ceux de mes enfants et mon véhicule de fonction. Je me tiens à la disposition de la justice de mon pays jusqu’à ce que cette affaire soit élucidée dans l’intérêt supérieur de la nation.

Est-ce que cette affaire ne va pas fragiliser votre parti, l’Apr ?

C’est la raison pour laquelle j’ai pris la décision de démissionner de mon poste de député pour ne pas mettre mal à l’aise les membres de notre parti. Je ne veux pas ternir l’image du parti. Ma dignité emballe celle du Président Macky Sall et tout le parti. Je ne veux pas qu’ils passent par moi pour atteindre le Président Macky Sall.

Est-ce que vous pensez déjà aux conséquences sociales et politiques de votre démission de l’Assemblée nationale ?

Bien entendu qu’il y a lieu de se poser la question de savoir comment parviendrais-je à faire vivre ma famille. Je me considère comme un homme qui vient d’avoir pour la première fois des démêlés avec la justice après 50 ans de vie sur terre. J’ai préparé ma famille à la nouvelle donne qui ne sera pas sans difficultés, mais j’ose espérer que le Tout-Puissant ne va pas m’abandonner à mon propre sort. S’il est vrai que ma vaillante mère a été une femme vertueuse et obéissante à mon défunt père, s’il est vrai également que celui qui fait du bien du poids d’un atome le verra, j’aurais tort d’éprouver des craintes pour ce qu’il va advenir de moi-même et de ma famille. Je démissionne, mais je n’abdique pas. L’épreuve que je suis en train de traverser m’a révélé une bonne partie de moi-même. Je ferai preuve de patience et d’endurance pour faire face par la vérité et dans la légalité. Comme vous l’avez  constaté, je n’ai pu m’empêcher de pleurer en entendant Aida Ndiongue pleurer au téléphone, mais aussi en voyant comment ma femme, qui ne s’est pas encore remise de l’opération chirurgicale de ses reins, s’est métamorphosée à force de s’apitoyer moralement et physiquement sur mon sort. Mais je m’en remets à Dieu. Je ne saurais terminer sans remercier les personnes qui me soutiennent de près ou de loin. Toutes les couches représentatives de la nation ne cessent de manifester leur compassion. Permettez-moi de citer Aliou Sall qui a quasiment passé la nuit sur le canapé de mon salon pour m’exprimer son soutien et consoler ma famille.

L’on a tenté d’établir un lien entre les faux billets et l’immeuble que vous avez acquis ?

Cela relève d’une mauvaise foi et d’une volonté indécente de nuire. L’Immeuble qui a été montré par un site internet n’est pas le mien. Celui que je possède en réalité m’a été vendu par  le notable Mor Ndiaye Bata à 15 millions FCfa en 2013. C’est à partir d’un prêt de 25 millions contracté auprès d’Ecobank et du Crédit mutuel que j’ai pu procéder à la construction qui n’est d’ailleurs pas achevée. Je l’ai hypothéqué et face aux pressions de la banque, mon épouse a accepté la proposition que je lui ai faite de la vendre. Ce qu’elle accepté car sa maladie est l’une des principales causes de mon endettement. Tout compte fait, j’ai le pressentiment que jamais je ne connaîtrai l’affliction ou la descente aux enfers au point de tendre la main et m’attirer le sarcasme de mes ennemis. Avec l’aide de Dieu, tout sera clarifié.

Quelles sont les questions qui vous ont été posées lors de la première audition ?

Elles tournaient essentiellement autour du sac qui était dans le véhicule, les 6 millions FCfa  trouvés dans le véhicule et l’arme que je détenais par devers moi. A toutes ces questions, j’ai répondu par l’affirmative. Pour l’arme, je leur ai expliqué que sa détention est assujettie à une autorisation en bonne et due forme. C’est ensuite que j’ai signé le procès-verbal.

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