La protection de l’Enfance doit être garantie par l’Etat. Niokhobaye Diouf est revenu dans un entretien avec Infosrewmi sur les actions menées par la Direction de la promotion des droits de l’Enfant, qu’il dirige, et les ministères concernés par la question que sont les ministères de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des enfants, de l’Intérieur et de la Justice. Le Sénégal a ainsi mis en place une stratégie nationale de protection de l’enfance. Il a révélé l’ensemble des acteurs qui composent les comités départementaux de protection de l’enfant. Ainsi, des plans d’action sont menés en fonction de la spécificité des zones à travers le territoire national. Par exemple à Dakar, Saint-Louis, Ziguinchor…, c’est la mendicité des enfants qui est la thématique de base, à Saint-Louis, Ziguinchor, Mbour, c’est l’exploitation sexuelle car étant des zones touristiques, à Diourbel, Ziguinchor, Fatick, c’est le travail domestique, à Kédougou, c’est le travail des enfants à cause des mines, à Kolda, c’est le mariage d’enfants, à Matam, la scolarisation… Ainsi, une réponse spécifique est apportée suivant les difficultés rencontrées par les enfants dans une localité donnée. Toutefois, il y a des questions qui concernent toutes les zones géographiques comme la prise en charge sur tous les plans, les enfants vivant avec un handicap, etc. C’est dire que le chantier est vaste.
L’Etat du Sénégal a organisé une riposte nationale face à la pandémie du coronavirus. Sur ce, le ministère de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des enfants a mis en place une cellule de coordination de veille et de suivi en collaboration avec le ministère de la Santé et de l’Action sociale, celui de l’Intérieur, le ministère de la Communication et celui du Développement communautaire. La première mesure de ladite cellule a été la mise en place d’un plan d’urgence « Protection Enfant Contre Covid ». Son objectif ? Zéro enfant dans la rue. Pour une application rapide des mesures, il a été identifié et emménagé des centres d’accueil pour les enfants de la rue. Le ministère de la Justice a mis à la disposition de la cellule des centres à hauteur de 1200 lits, la Ville de Dakar a emménagé 11 centres équipés. Il a également été décidé de mettre l’accent sur la sensibilisation des parents afin de les exhorter à veiller encore plus sur les enfants dans ce contexte de crise sanitaire. Un appui a aussi été apporté aux daaras pour retourner les enfants à leurs familles. Ainsi, les préfets se sont rendus sur le terrain pour identifier les daaras qui se trouvent dans leurs localités. Au niveau de certains d’entre eux, ils ont constaté que les enfants étaient dans de bonnes conditions. Dans d’autres, par contre, ils ont eu du mal à imaginer que des êtres humains puissent vivre dans un tel environnement. Etant sous la responsabilité de l’Etat, ceux qui voulaient partir ont été mis en quatorzaine dans les centres. Ensuite, il leur a été remis de l’argent de poche puis ils ont été convoyés dans leurs familles respectives. Ceux qui ne veulent pas rentrer et qui vivent dans de mauvaises conditions (promiscuité, manque d’hygiène, malnutrition…) sont aussi acheminés dans les centres pour y être confinés. A en croire Niokhobaye Diouf, à la date du dimanche 17 mai, 2708 enfants ont été retirés de la rue sans compter les données issues des autres régions. Rien qu’à Saint-Louis, le préfet a retiré 164 enfants originaires de Malem Hodar, Tambacounda, Bakel, Kolda, Nioro, Kaolack, Louga, Linguère. Ainsi, 2381 enfants ont été rendus à leurs familles, 327 sont encore dans les centres. D’ailleurs, ils devraient être renvoyés chez eux ce mardi.
Malgré tous ces efforts, Niokhobaye Diouf reconnait que le nombre d’enfants retirés de la rue reste minime parce qu’il y a des maîtres coraniques qui ne veulent pas rentrer chez eux. En effets, rien ne les retient plus ici puisqu’il n’y a plus d’apprentissage. D’ailleurs même en temps normal, les enfants n’apprennent pas, ils sont tout le temps dans la rue en train de mendier. Il a donc tenu à souligner qu’il y a des brebis galeuses qui se font appeler daaras. Or, certains se sentent vite frustrés quand on parle des daaras alors que les reproches ne leur sont pas destinés. Un Sénégalais, qui est né et a grandi au Sénégal, connaissant nos réalités culturelles et religieuses, ne pourrait jamais combattre les daaras. Mais il faut se rendre à l’évidence, il y a des gens qui ont des écoles qui se font appeler Serigne daara mais qui n’ont rien d’un Serigne daara. « Il m’arrive souvent de discuter avec les talibés, parce qu’ils ont l’apparence de talibés, mais je me demande s’ils ont reçu l’éducation d’un talibé. En effet, ils ont plus l’éducation d’enfants de la rue que d’enfants talibés. Un enfant issu d’un daara a une manière de parler et un comportement différent de celui de la rue ». Il est donc temps, selon Niokhobaye Diouf, que les maîtres coraniques prennent leurs responsabilités, parce que leur image et leur réputation est en train d’être ternie par des gens qui se font passer pour des Serigne daaras. Ils doivent reconnaître qu’il y a des brebis galeuses dans leur profession et qu’il urge de réorganiser le secteur et de l’encadrer. « On m’accuse de combattre les daaras et pourtant je suis allé deux fois à la Mecque et je suis un produit de daara. Ceux qui m’accusent ne sont pas plus croyants que moi et je peux dire que j’ai acquis un savoir religieux, si pas plus élevé, proche du leur », tient-il à faire savoir. A l’en croire, le chef de l’Etat est très préoccupé par la situation des enfants qui a donné des instructions pour leur retrait systématique de la rue.
L’autre problème, c’est les maîtres coraniques qui retiennent les enfants dans les daaras alors qu’ils n’ont plus de moyens de subsistance du fait de l’interdiction de la mendicité. Une situation très difficile pour les enfants qui doivent manger à leur faim. Il y a des daaras où les enfants vivent dans la promiscuité (30 à 40 enfants dans une chambre), ce qui est inacceptable et en violation des mesures édictées par les autorités sanitaires. Ils croient que c’est normal alors qu’actuellement, ce sont les recommandations des autorités sanitaires qui priment sur toute autre considération pour justifier le maintien des enfants dans ces daaras. Aussi, les enfants sont-ils recueillis et acheminés dans leurs familles. Parmi ces enfants, il y en a qui viennent des pays frontaliers et qui sont admis dans les centres. Ainsi, les consulats et ambassades de ces pays sont saisis afin de trouver les moyens de les prendre en charge, de les rapatrier ou alors de les laisser sous la garde de l’Etat du Sénégal.
En matière de protection de l’enfance, les résultats ne sont pas visibles sur le court terme et si l’Etat prend des mesures radicales, cela peut heurter et emmener à des résistances. Il faut donc que la société joue pleinement sa partition. « Si tu donnes 5 FCfa à un enfant, demain tu le retrouveras dans la rue. Mais si la société décidait qu’il n’est pas normal que les enfants mendient et que chaque personne qui a de l’aumône à donner aille jusqu’au daara pour faire un don, les enfants n’iront plus à la rue. Au niveau des quartiers, si les « badiénou gox » s’organisaient de façon à livrer des repas aux daaras, les enfants ne seront plus obligés de faire du porte à porte pour quémander de la nourriture. Il y a certaines actions qui sont du ressort de l’Etat, mais la société a aussi sa part de responsabilité. En effet, l’Etat détient la force de la loi, mais il privilégie la démarche pédagogique.
Sur le projet de loi portant modernisation des daaras, Niokhobaye Diouf indique que c’est porté par le ministère de l’Education. Ils s’y intéressent parce que les enfants et leur bien-être sont concernés. Le projet de loi a été adopté en Conseil des ministres, il reste l’étape de l’Assemblée nationale. Pareil pour le code de l’Enfant, toutes les procédures ont été bouclées, il ne reste plus que l’adoption en Conseil des ministres et un passage par l’Assemblée nationale. Ainsi, Niokhobaye Diouf appelle toutes les franges de la société à contribuer à la lutte parce que les enfants ne doivent pas être livrés à eux-mêmes. Un enfant qui ne connait que violences et brimades croira que c’est ce qui est normal et aura tendance à ne pas avoir de l’empathie.