La nature a gratifié Ousmane Sonko d’un timbre vocal qui porte et frappe, il sait aussi en tirer le maximum de profit en lui donnant des prétextes ou des occasions de solennité et de gravité. La force de Sonko, c’est de savoir tout théâtraliser, dramatiser, dédramatiser, parodier : il sait transformer tout en image figée dans l’esprit des citoyens. Ousmane Sonko réussit à puiser dans les profondeurs des « imaginaires socio-discursifs » pour s’incarner tout à tour dans les personnages de Cheikh Anta Diop, Mamadou Dia, Thomas Sankara, etc. Les peuples aiment les images, les icônes, peu importent que celles-ci soient des réalités ou des fables.
De ses choix vestimentaires à son intonation, de la mimique au regard perçant et grave, il cherche à fixer dans la conscience collective l’image d’un bagarreur, d’un irréductible combattant contre le régime et le système, d’un incorruptible qu’aucune compromission ne peut ni n’ose tenter.
La nouvelle génération de politiciens représentée par Sonko et Abdourahmane Diouf a une communication qui a l’âge de son environnement. Ils sont dans une société de consommation où les désirs peuvent être suscités artificiellement, un univers où les icones du sport sont de plus en plus remplacées par des icônes du sexe et où tout est finalement artifice. Ils savent parfaitement ce qu’il faut faire pour s’ancrer dans la conscience collective dans un univers pareil. C’est pourquoi le port vestimentaire, l’élégance naturelle ou feinte, l’éloquence du verbe comme dans la gesticulation sont des éléments de mise en scène qu’ils savent bien gérer pour faire passer l’image d’hommes à la fois modernes et ancrés dans la culture sénégalaise.
Au regard de son parcours et des résultats politiques jusque-là engrangés, on peut penser que, quel que soit ce qu’on peut reprocher à la communication de Ousmane Sonko, elle lui a réussi. La rudesse de cette communication prend souvent au dépourvu ses adversaires qui ne sont pas accoutumés à débattre dans un registre aussi viril. En l’espace de quelques années il s’est imposé comme une force majeure dans le landerneau politique sénégalais. Cette prouesse est certes à une valeur intrinsèque de l’actuel maire de Ziguinchor, mais également à des facteurs objectifs liés au contexte sociopolitique.
Le phénomène Sonko n’est donc pas un Ovni politique, comme tous les phénomènes, qu’ils soient humains ou purement naturels, il a des causes et des conditions. S’il est vrai qu’un objet lourd ne chute pas de la même manière qu’une feuille papier, il reste que la pesanteur est dans les deux cas la cause de la chute. S’il n’est pas possible d’expliquer la particularité et la performance de la communication d’Ousmane Sonko, il est au moins possible de les comprendre. Qu’est-ce qui fait sa particularité ? Sa force de communication est-elle juste circonstancielle ou pérenne ? Quelle est la part des réseaux sociaux dans la crédibilisation de son discours ?