Dans Une nouvelle littérature, l’agrégé français en mathématiques Robert Rolland disait qu’ « on ne lit jamais un livre, on se lit à travers les livres soit pour se découvrir soit pour se contrôler ». En lisant le Projet pour un Sénégal souverain, juste et prospère du Président Bassirou Diomaye Diakhar FAYE, je me suis surpris en train de me lire, de m’interroger sur la pertinence des propositions qu’il contient. Ce projet me parle et m’interpelle sur le futur des villes et sur les villes du futur qu’il promet de nous construire.
En réalité, ce projet m’interroge et me pousse à enfiler ma veste de militant de la décentralisation et de sentinelle du développement territorial pour porter un regard critique et objectif. Le lire et le relire dans toutes ses dimensions et sur tous ses aspects.
Il s’agira donc, tout au long de ce texte, de relire, d’analyser, de critiquer avec vous et pour le Sénégal ce projet surtout dans ces aspects liés à la décentralisation, au développement territorial et à la gouvernance locale.
D’abord, je reviendrai avec vous sur son sens et sa portée générale en faisant ressortir les idées nouvelles, les ruptures, la cohérence des propositions. Egalement j’apprécierai, avec vous, la forme et le fond du projet, la technique d’élaboration et la démarche empruntée pour sa conception et sa vulgarisation.
Ensuite, je reviendrai, en détails à travers une lecture expliquée, sur les propositions concernant les collectivités territoriales, la gouvernance locale et le développement territorial. Je ferai une comparaison du projet avec l’existant et, plus précisément, avec ce que l’acte 3 de la décentralisation a proposé.
Nous saurons si on est en droit de parler d’Acte 4 de décentralisation. Au cas échéant, quelles en seraient les grandes lignes? Quel serait le nouveau contenu de l’Acte 4 de la décentralisation que ce projet annonce ? Quelle serait sa pertinence ? Quelles seraient les préalables à son élaboration, à son adoption, à sa mise en œuvre et les mécanismes éventuels de suivi/évaluation à asseoir ? Quels les mécanismes de financement du développement territorial proposés ?
Ainsi pour chaque proposition, après le rappel du contexte :
nous ferons une explication des mots et expressions clés ;
nous la commenterons en relevant la pertinence, la cohérence, la formulation ;
nous la comparerons d’avec l’existant et d’avec certaines pratiques d’ici ou d’ailleurs ;
nous reviendrons sur les résultats attendus, la stratégie de mise œuvre et les délais prévus ;
nous exprimerons nos remarques et formulerons des recommandations pour chaque proposition ;
Et nous formulerons des recommandations générales.
Mais en attendant la publication de cet ouvrage intitulé » Regards sur le Projet de gouvernance territoriale du Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye », que je suis en train de finaliser, je n’ai pas pu résister aux interpellations des sénégalais et particulièrement des journalistes relatives à mon avis sur le Projet. C’est pourquoi j’aimerai partager avec vous les quelques grandes annonces qu’il contient et qui sont liées à la décentralisation, à la gouvernance locale et au développement territorial.
Ces annonces touchent les cadres institutionnel, juridique, financier, écologique, humain entre autres. Dans cette contribution je vais m’arrêter sur quelques annonces d’ordre institutionnel et financier.
Au plan institutionnel, il est annoncé:
le maintien de la départementalisation, le redécoupage administratif par la révision de la carte départementale et de la carte communale, le retour de la régionalisation avec les 8 pôles régionaux.
À ce niveau, il convient de souligner entre autres, les conséquences de dissolution possible des conseils départementaux en cas de modifications des limites territoriales des départements et l’absence d’efficacité d’une telle réforme s’il n’est pas prévu une fiscalité départementale et régionale. Concernant les pôles régionaux, la question est de savoir s’il faut abandonner les métropoles prévues dans la loi d’orientation d’aménagement et de développement durable des territoires assortie d’un Programme National d’Aménagement et de Développement Territorial (PNADT) dont les objectifs vont au-delà les propositions annoncées. Il s’agit de :
assurer une bonne structuration du territoire par une armature urbaine équilibrée et un réseau adéquat d’infrastructures et d’équipements ;
promouvoir l’émergence de pôles de développement par une valorisation durable et cohérente des ressources et potentialités des territoires ;
assurer l’équité territoriale dans l’accès aux services publics ;
doter les territoires de facteurs de production performants ;
promouvoir une bonne cohérence territoriale ;
promouvoir une bonne maîtrise de l’information territoriale ;
renforcer l’intégration du Sénégal au niveau sous-régional et mondial
Qu’en sera-t-il du PAVART (Programme national d’Appui à la Valorisation des Ressources Territoriales) dont l’industrialisation, la création d’emplois et l’attractivité des investissements sont les piliers fondamentaux et qui se trouve être de loin la solution la plus pertinente et efficace jamais proposée pour la résolution du chômage au Sénégal depuis 1960 ?
Sommes-nous dans cette même dynamique ou allons-nous faire table rase de tout ce travail dont la pertinence n’est plus à démontrer ? J’ose croire que cette proposition prendra en compte l’existant !
la réforme du système électoral pour améliorer l’État de droit, la bonne gouvernance et la démocratie participative.
Pour cette proposition, je crois qu’il ne faut pas commettre l’erreur de réformer sans tenir en compte l’équilibre des organes des collectivités territoriales et éviter le « présidentialisme » municipal qui confère au Maire, à travers son mode de désignation, des pouvoirs excessifs au moment où ses adjoints seront indemnisés à ne rien faire.
Le rétablissement de la confiance des citoyens vis-à-vis de l’administration en la rendant plus efficace.
La modernisation de l’administration publique afin d’offrir des services de qualité aux usagers
Sur ces deux points, je préconise la ratification de la Charte africaine des valeurs et principes du service public et de l’administration adoptée à Addis-Abeba en Ethiopie, le 31 janvier 2011 en veillant à bien préparer et à appliquer de façon effective les instruments de mise en oeuvre. Point n’est besoin de rappeler que le citoyen doit être l’alpha et l’oméga du service public et de l’administration pour paraphraser Moundiaye Cissé, Directeur exécutif de l’Ong 3D que je félicite au passage pour son combat pour la défense du droit constitutionnel de côté du citoyen ainsi que tous les membres de Aar Sunu Élection.
Au plan financier, nous retenons entre autres annonces:
l’inclusion des fonds du PUMA, PUDC et PACASEN dans le fonds d’investissement des collectivités territoriales et leur répartition par priorité définie par les populations
D’abord il faut rappeler que les fonds PACASEN sont déjà une « recette » d’investissement qui promeut la performance et l’efficacité budgétaire au niveau des collectivités territoriales bénéficiaire. A l’origine le Programme d’Accompagnement des Communes et Agglomérations du Sénégal (PACASEN) n’était destiné qu’aux communes anciennes communes et son élargissement effectif à toutes les collectivités territoriales est une condition sine qua non à la réalisation de cette proposition.
Il en est de même du PUMA et du PUDC qui sont aussi des programmes dédiés.
Le PUMA (Programme d’Urgence et de Modernisation des Axes et Territoires frontaliers) avec ses composantes de désenclavement, de développement durable et de sécurité frontalière est destiné aux communes des dix régions les pays pauvres du pays et vise à améliorer les conditions de vie des populations.
Quant au PUDC, il est destiné au monde rural et vise à contribuer à l’amélioration de l’accès des populations rurales aux services sociaux de base à travers la mise en place d’infrastructures socio-économiques.
Dans tous les cas, cette proposition est à saluer et pourra se concrétiser qu’avec l’obligation pour les collectivités territoriales de pratiquer le budget participatif concernant ces fonds.
Augmentation de l’indexation des fonds de dotation et des fonds d’équipement faite sur la TVA pour la faire passer de 5,5% à un taux de 10% voire 15% ;
Vieille doléance, cette proposition ressemble à celle qu’avez faite le Président Macky Sall le 10 octobre 2019 devant l’ensemble des Maires du Sénégal. Nous espérons cette fois-ci que cet engagement dépassera le stade d’annonce. L’on ne saurait accepter la pratique ancienne qui consistait à rappeler et à comparer les fonds de dotation et les fonds d’équipement transférés par l’ancien régime en oubliant de reconnaitre que c’est le volume de la TVA qui a augmenté mais que le taux indexé a toujours stagné à 5,5%. Il faudra également nous dire si les futures régions seront dotées avec ces montants. Si oui, autant retenir que cela ne servira pas substantiellement aux communes même s’il est annoncé leur regroupement sur la base des arrondissements existants. Pour le moment, wait and see.
Renonciation de l’État à certains impôts et taxes au profit des collectivités territoriales comme la taxe sur la plus-value foncière et immobilière qui est une taxe partagée entre l’État et les collectivités territoriales ;
Cette proposition est à soutenir et à encourager. Nous attendons juste de savoir à qui vont profiter ces impôts et taxes. A toutes les collectivités territoriales ? Aux communes seulement ? Aux régions et/ou aux départements et avec quelle clé de répartition ?
Versement effectif aux collectivités territoriales de leur part dans les fonds miniers, sur l’exploitation des autoroutes, des aéroports, du Train Express Régional (TER), du Bus Rapid Transit (BRT).
Cette proposition attire aussi notre attention au regard de l’espoir qu’elle suscite pour toutes les collectivités territoriales. Ou s’agira-t-il uniquement des collectivités territoriales concernées ?
Enfin nous reviendrons sur les 21 propositions touchant directement la gouvernance territoriale, ainsi que sur l’ensemble des autres concernant globalement le développement territorial, sur leurs pertinences, sur les conditions et les préalables de leur mise en œuvre, sur les réformes qu’elles peuvent engendrer et bien sûr, sur certains questionnements qu’elles soulèvent.
En attendant la publication de l’ouvrage, nous encourageons le Président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye, le Premier Ministre Ousmane Sonko et le Ministre de l’Urbanisme, des Collectivités Territoriales et de l’Aménagement des Territoires Balla Moussa Fofana et prions pour leur succès tout en leur rappelant les propos du troisième Président des Etats Unis d’Amérique Thomas Jefferson « le meilleur gouvernement est le gouvernement qui gouverne le moins ».
Amadou Sene Niang
Consultant/ Formateur en Gouvernance locale
Email : seneniangamadou@gmail.com