FORUM PAIX ET SÉCURITÉ AU CICAD

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La philosophie des opérations de maintien de la paix des forces des Nations Unies en Afrique plus particulièrement au Sahel doit être remise en cause, a estimé lundi à Diamniadio, le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall.

Mes chers collègues,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Monsieur le Représentant du Secrétaire général des Nations Unies,
Monsieur le Représentant de la Commission de l’Union Africaine,
Monsieur le Président de la Commission de la CEDEAO,
Madame le Haut Représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères,
Mesdames et Messieurs,

C’est avec un réel plaisir que nous vous recevons pour la 3ème édition du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique.

Je souhaite à toutes et à tous une chaleureuse bienvenue et un agréable séjour au Sénégal.

En votre nom et au mien propre, je remercie particulièrement les collègues qui nous rejoindront ici demain pour le panel de haut niveau, en dépit de leur calendrier que je sais bien chargé.

J’exprime également toute ma gratitude à tous les pays amis et autres partenaires pour le soutien apporté à l’organisation de  cette rencontre.

Ils témoignent ainsi de notre volonté commune de pérenniser le Forum de Dakar comme cadre de réflexion pour contribuer à créer les conditions d’une paix durable en Afrique ; une paix sans laquelle ni la stabilité politique ni le développement économique ne sont possibles.

Dans un monde d’interdépendances, nos intérêts sont liés. Ce qui touche les uns affecte forcément les autres. Cela nous engage à travailler  ensemble pour trouver des solutions durables aux défis  sécuritaires de l’Afrique, partie intégrante des défis sécuritaires du monde.

Je n’insisterai pas sur la typologie des menaces classiques à la paix et à la sécurité en Afrique.

Elle a été faite ici  lors des deux précédentes éditions du Forum, qu’il s’agisse de la lutte autour du pouvoir, des violations massives des droits de l’homme de la répartition inéquitable des ressources et des conflictualités liées à la dégradation de l’environnement.

Malheureusement, d’autres menaces à la paix et à la sécurité, encore plus diffuses, plus difficiles à prévenir et à éradiquer, affectent de plus en plus notre continent, notamment et surtout, le radicalisme violent et le terrorisme.

C’est ce qui justifie que le thème de la présente édition porte sur  « l’Afrique face à ses défis sécuritaires : regards croisés pour des solutions efficientes ».   

L’Afrique face à ses défis sécuritaires, parce que c’est nous, d’abord, pays africains, qui sommes directement concernés par ces défis et interpelés par la recherche des moyens pour y faire face.

Regards croisés, parce que nous ne devons pas être seuls ni dans l’identification des défis ni dans la recherche des réponses à des menaces qui, encore une fois, se posent à l’échelle du monde ; aucun pays n’étant pas à l’abri.

Pour des solutions efficientes, enfin, parce que les menaces et leurs causes étant  multiples et complexes, elles appellent forcément des réponses diverses et à plusieurs niveaux.

D’abord, et à l’évidence, nous devons impérativement renforcer les capacités de riposte de nos forces de défense et de sécurité face aux menaces asymétriques, surtout celles liées au terrorisme.

Les terroristes ne sont pas des enfants de cœur. Ils sont bien organisés. Ils disposent des moyens et modes d’action les plus rudimentaires et les plus sophistiqués pour exécuter leurs basses besognes.

Seules des forces de défense et de sécurité formées, équipées et entrainées à la hauteur de ces menaces pourraient aider à faire face.

La même exigence s’impose s’agissant des opérations de paix des Nations Unies. Dans bien des cas, nous savons que le maintien de la paix au sens classique est devenu inopérant.

Les nouveaux périls appellent de nouvelles réponses. C’est le sens du débat initié par le Sénégal lors de sa présidence du Conseil de Sécurité, le mois dernier, sur les opérations de paix face aux menaces asymétriques.

Au-delà des efforts qu’elle déploie pour rendre opérationnelle la Force africaine en Attente, l’Afrique a besoin du soutien de ses partenaires pour répondre aux menaces asymétriques, qui, encore une fois, nous concernent tous.

A ce propos, l’adoption à l’unanimité de la Résolution 2320 (2016) du Conseil de Sécurité du 18 novembre dernier, sur la coopération entre l’ONU et l’Union africaine va dans le bon sens. Cette résolution est en effet une contribution positive au règlement de la question difficile du financement des opérations de paix par l’Union africaine.

Parallèlement, il convient de mieux renforcer la collaboration en matière de contrôle aux frontières, de surveillance des  flux financiers et des réseaux d’internet et d’assistance judiciaire.

Evidemment, le tout-sécuritaire ne peut à lui seul être la solution.

Nous devons aussi continuer à investir davantage dans l’éducation, la formation et l’emploi des jeunes pour les préserver de l’exclusion sociale qui fait le lit des frustrations et de l’extrémisme violent.

Mais le défaut de formation et la pauvreté à eux seuls n’expliquent pas toutes les dérives extrémistes.

C’est un constat simpliste qui ne peut expliquer pourquoi des jeunes gens qui ont reçu la meilleure formation à l’école moderne, qui gagnent bien leur vie et qui sont issus de familles aisées abandonnent tout et vont combattre avec des groupes terroristes pour des causes auxquelles ils sont parfaitement étrangers.

C’est dire que la lutte contre l’extrémisme nécessite aussi et surtout une éducation et une formation spirituelles qui déconstruisent les rhétoriques et les manipulations de conscience dont la jeunesse constitue la proie la plus facile.

C’est pourquoi j’ai souhaité que le Forum de Dakar inscrive à son ordre du jour la réponse doctrinale et intellectuelle de l’islam au discours extrémiste.

Il n’y a pas de doute que l’extrémisme n’a aucune place en Islam ; aucune, parce que l’Islam se définit lui-même comme une religion du juste milieu. Dans la continuité du monothéisme, l’Islam fait corps avec la raison. Il ne peut s’accommoder d’une paresse intellectuelle qui installe l’obscurantisme et les positions extrêmes.

Je ne chercherai pas loin. Notre compatriote, le Pr Souleymane Bachir Diagne, en apporte une démonstration pertinente dans son excellent ouvrage intitulé : « Comment philosopher en Islam ? ». Il y rappelle comment, en Islam, la parole divine a toujours cohabité avec la raison discursive et le libre arbitre. Mieux, il illustre avec force détails comment, en Islam, il y a une obligation de philosopher.

De nombreux Versets en attestent, qui exaltent la faculté cognitive de l’homme ;  comme la Sourate 39 Verset 9 : « Dis, ceux qui savent et les ignorants, sont-ils égaux ? Les hommes doués d’intelligence sont les seuls qui réfléchissent ». 

Ou la Sourate 35, Versets 27 et 28 qui énoncent que « Parmi les serviteurs de Dieu, les savants sont les seuls à le redouter… ».

Du reste, l’injonction à la quête du savoir se retrouve également dans la parole du Prophète Mohammed (PSL) lorsqu’il exhortait ses compagnons à aller chercher le savoir jusqu’en Chine. 

Avicenne, Averroès, AL Ghazali, Muhammad Iqbal, et chez nous, un contemporain comme le Professeur et Imam Rawane Mbaye, Parrain du Concours général 2006 des Lycées, entre autres érudits, ont, de tout temps, éclairer leurs peuples par la recherche et l’exégèse des Saintes Ecritures, dans une dialectique soutenue entre la foi et la raison.

Leurs enseignements et ceux de nos guides spirituels suffisent pour tirer  chacun des ténèbres de l’ignorance et l’éloigner des extrémismes.

Je suis persuadé que c’est véritablement dans les esprits, par l’édification d’une  résilience morale et spirituelle,  que nous pourrons ériger les remparts les plus solides contre l’extrémisme violent.

Cela appelle une mobilisation générale, qui va bien au-delà de ce que l’Etat et la coopération inter-étatique peuvent faire. Tous, ensemble, pouvoirs publics, élus locaux, société civile, enseignants, guides religieux, chefs coutumiers et citoyens nous devons rester mobilisés, pour éduquer, sensibiliser et alerter.

Bien évidemment, je ne peux oublier la responsabilité des parents et des familles. Elle est fondamentale. Les parents et les familles doivent pleinement assumer la responsabilité de l’éducation de leurs enfants.

C’est quand cette responsabilité est abandonnée ou déléguée à tort, que la première ligne de front de la lutte contre le radicalisme court le risque de s’écrouler. Et quand ce front est perdu, la bataille sur les autres fronts n’en sera que plus difficile encore.

Il vaut mieux éduquer un enfant pour lui éviter le gouffre du radicalisme que d’entreprendre la tâche plus incertaine de la dé-radicalisation quand le mal est déjà fait.

On le voit, les réponses aux menaces asymétriques ne sont pas aisées.

En les abordant au cours de Forum, nous n’avons pas la prétention d’en épuiser la matière, mais, plus modestement, la volonté de contribuer à la résolution d’un phénomène de société qui transcende les pays, les cultures et les civilisations.

C’est tout le sens du Forum de Dakar.

En attendant de revenir demain pour prendre part au panel de haut niveau, je déclare ouverte la 3ème édition du Forum International de Dakar sur la Paix et la Sécurité en Afrique et souhaite plein succès à vos travaux.

Je vous remercie.

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