Le passage d’une solidarité générationnelle à une génération de conscience (Bassirou Diakher Diomaye Faye) : les mutations qui s’imposent ( par Pape Sandio Thiam).

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Le passage d’une solidarité générationnelle à une génération de conscience (Bassirou Diakher Diomaye Faye) : les mutations qui s’imposent.

Troisième et dernière partie

Une ambition politique, quelle que soit sa légitimité requiert des actes efficients.

Il faut que la jeunesse qui a réellement voulu ce changement à la tête du pays soit disposée à payer le prix. Aussi, la première mutation qui doit rendre effectives les ruptures voulues concerne-t-elle cette jeunesse même. Être jeune n’est ni une faveur ni une défaveur : tout dépend de la façon dont on le vit. Une jeunesse consciente des défis qui l’interpellent est celle qui fait des études et du travail les leviers essentiels de son univers. Réconcilier les jeunes avec l’amour et l’éthique du travail est un impératif catégorique si ces nouvelles autorités veulent gagner le pari du développement. Travailler non seulement pour gagner sa vie, mais aussi et surtout pour relever sa nation et la placer parmi celles qui compte dans le concert des nations.

Développer l’éthique du travail, c’est à la fois remplir sa part de contrat avec son employeur en respectant les principes qui régissent son lieu de travail et faire preuve de redevabilité envers la société. La conception du travail comme gagne-pain est la plus pauvre qu’une génération ou une communauté peut avoir du travail : ce qui différencie les hommes des animaux, c’est justement de travailler au-delà des besoins de sa consommation. Celui qui réussira à convaincre les Africains que la situation du Continent est une honte non seulement pour les générations actuelles, mais également pour celles anciennes créera un déclic capable de venir à bout de toutes les difficultés majeures auxquelles sont confrontés nos pays. C’est une question de dignité que de faire sortir l’Afrique de cette situation de peuples mendiants. Si chaque citoyen se fait une morale, le travail sera désormais un culte pour toute une génération. Les rapports sociaux qui se nouent naturellement autour du travail seront ainsi les reflets de la façon dont les individus aiment et font le travail.

Mais la mère de toutes les mutations, surtout celles qui concernent les jeunes, est celle relative à l’école et à l’éducation de façon plus générale. L’école de la République a pour première fonction de faire sortir l’individu de la sphère de l’anonymat, de l’ignorance, de la grossièreté et de l’impotence face à la nature pour en faire un vecteur de savoir et de savoir-faire. La société a été instituée pour que les individus faibles isolément deviennent forts par le service et la solidarité mutuelle qu’ils se rendent. Ce service mutuel ne peut être assuré par l’ignorance : rien ne se fait correctement sans le savoir. L’école est par conséquent le lieu de propagation de ce sang neuf dont la société a besoin pour faire les mutations politiques, économiques, intellectuelles et morales. Une génération qui fait du spectacle et de l’écran son univers ou son école n’est pas en mesure d’apporter les changements structurels dont l’époque et le pays ont besoin. Une école de développement n’est pas une utopie pour le Sénégal, c’est une question de volonté et de vision : les besoins de la société doivent être les sillons sur lesquels poussent les programmes scolaires et l’orientation général du système lui-même.

S’il est vrai que l’école est le creuset de toutes les grandes innovations qui ont fait avancer le monde, on ne saurait impulser à une société une rupture durable sans l’adosser à des réformes profondes du secteur de l’éducation. Qu’elle soit formelle ou informelle, l’éducation doit être le point de départ des transformations sociales d’un pays. Il se trouve que notre pays, le système éducatif tel que défini et organisé par la République côtoie l’éducation religieuse qui transmet des connaissances et des valeurs que l’Etat en tant qu’institution n’a pas encore réussi à intégrer complètement dans ses prérogatives régaliennes. Faut-il continuer à laisser ces deux systèmes parallèles coexister sans s’intégrer réciproquement ou, au contraire, trouver une synergie entre les deux ? L’Etat ne doit-il pas prendre conscience que l’éducation des fils de la nation, quelle que soit sa forme lui incombe et qu’il a l’obligation de la réglementer et d’y mettre les moyens nécessaires pour une évolution globale en intégrant différentes composantes de la société ?

La jeunesse, fer de lance de toutes les révolutions qui ont fait progresser le monde, doit également avoir une autre approche du droit du travail, du droit syndical, de l’exercice des libertés, etc. Notre rapport à la loi et aux institutions doit être adossé à la vertu républicaine, à l’utilité sociale et la vérité. Le civisme et le patriotisme ont longtemps fait défaut aux élites de ce pays : il est grand temps que les choses se fassent autrement. Le seul fanatisme raisonnable ou excusable est celui que charrie dans l’amour pour sa patrie. C’est pourquoi la tradition syndicale doit accepter de se réformer en mettant fin aux vieilles et violentes méthodes de revendication qui ont beaucoup contribué à affaisser l’école sénégalaise. Il faut certes continuer à revendiquer, mais le changement de paradigme doit toucher tous les segments de la société. Une société si jeune qui, de surcroit a fait le pari de confier ses destinées à des jeunes, doit accepter de changer en profondeur ses façons de travailler, de revendiquer, bref, de vivre. Ce sont les jeunes qui disent vouloir que les choses changent : ils doivent par conséquent comprendre et avoir la conviction que les choses ne peuvent changer que s’il y a un changement des mentalités.

Dans cette dynamique des mutations indispensables pour redonner un nouveau souffle à notre société, la tâche des autorités est, par leur exemplarité, d’impulser une nouvelle citoyenneté par leur rapport aux institutions, au bien public et au pouvoir lui-même. L’Etat de droit est une construction permanente, il est du ressort des autorités de montrer l’exemple en s’assignant comme devoir absolu le respect des lois, de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance des magistrats. Le management des gouvernants doit être le signal fort lancé en direction des citoyens pour leur inspirer confiance et exemplarité dans la gestion des affaires publiques. Les nouvelles autorités n’incarnent pas seulement un espoir, elles sont le tribunal auprès duquel le verdict de la controverse au sujet de la maturité de notre jeunesse à diriger sera rendu. Si elles veulent que chaque citoyen soit un modèle de probité morale et un vecteur de développement, c’est dans leurs actes de gouvernance qu’elles le réussiront.

La vraie rupture est comme une conversion religieuse : nul ne peut le faire sans délaisser un patrimoine politique auquel on tenait fermement. Le sacrifice véritable consiste à s’amputer de quelque chose pour escompter en recevoir plus et mieux. Si les autorités réussissent à prouver par des actes concrets, indiscutables et probants que le changement est en marche, la mobilisation de la jeunesse sera plus facile et plus efficiente pour l’émergence d’un Sénégal nouveau. Un changement en appelle toujours d’autres, c’est pourquoi il faut capitaliser cette confiance que les jeunes ont placée en de jeunes leaders et amorcer un cycle de changements qualitatifs. Les fruits de ces mutations parfois douloureuses peuvent tarder à se faire sentir, mais la pédagogie maintiendra l’espoir et la confiance requis pour les récolter. Les façons de gouverner doivent tellement être exemplaires et révolutionnaires par rapport à ce qui se faisait que toute promesse de changement sera accueillie avec enthousiasme. L’impasse serait par contre une gouvernance dont les actes sont en déphasage total avec les attentes et surtout avec les promesses faites à une jeunesse aussi éprouvée.

Bref aussi bien dans la nature que dans la vie en société, la mutation est la règle qui sélectionne les plus aptes au détriment des plus faibles. Une société qui serait incapable de produire des mutations serait une société décadente, incapable par conséquent de se construire un avenir qu’elle contrôle.

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